Adpada
Marcher à nouveau
PrologueDoucement, ceintrée des ténèbres, une vision nait. D'abord trouble et hésitante, l'impression d'ouvrir les yeux comme une première fois.
Le bleu profond de l'océan se confond presque avec la noirceur de la nuit. La vision se fait plus précise, et bientôt des vagues se dessinent.
Des vagues couronnées d'écume rouge sang, berçant des corps sans vie dans un rythme si lent qu'on l'imagine sans mal durer ainsi une éternité.
Un instant la vision semble s'évanouir, pour à nouveau laisser la place à un océan de ténèbres.
Mais une goutte crystaline, d'une blancheur extrème, comme si toute la lumière des étoiles devait être contenue dans un si petit espace.
La blancheur s'étend et s'étire à perte de vue. Un maigre cortège de silhouettes émaciées apparaît là sur cet étendue, comme un fil usé sur le point de rompre.
Un froid intense vient glacer mon cœur. Des ombres profondes se cachent dans cette blancheur.
Les craquements de la glace, profonds et caverneux se mèlent aux gémissements et aux pleurs.
Et la banquise s'effondre emportant les pleurs dans un puit de noirceur.
Un grondement persiste, comme un écho résonnant à l'infini dans une succession de cavernes.
Où l'écho finit par se muer en un bruit de fond, sourd et lancinant.
Du bruit de fond ressort les clameurs de la guerre, les cris et les hurlements innondent l'air. Une brume rouge s'étend sur la plaine, buvant le sang des morts.
Dans les cavernes, l'écho persiste encore. Les plafonds pleurent des gouttes de sang. Puis tout s'effondre à nouveau, mettant un terme à toute cette fureur.
Le temps s'écoule, impassible. À la surface de l'eau un monde se dessine, puis se défait aussitôt. Tantôt la rivière s'accélère et naît alors un torrent de montagne, tantôt elle se détend et s'aplanit pour mourir dans un lac. Mais rien ne semble pouvoir durer à sa surface.
Seuls des reflets d'argent et d'or entremélés persistent. Du fond du lac, le tumulte de la surface est à peine perceptible.
Le froid et les ténèbres m'enlassent à nouveau.